Alain Damasio est l’un des observateurs les plus perspicaces de notre époque. 15 ans après son dernier ouvrage, La Horde du contrevent, il fait son grand retour sur la scène littéraire avec Les Furtifs. La science-fiction est pour lui le moyen idéal d’ausculter notre société obsédée par le contrôle des individus et des données. À l’heure où les géants du Web deviennent les géants de l’économie et dirigent nos vies, son roman est une salutaire réflexion sur l’avenir que nous envisageons pour ce monde qui semble nous échapper.
Grand Prix de l’imaginaire – Roman Francophone – 2020
J’adore les univers d’Alain Damasio. Ils sont d’une inventivité rare. Ici, c’est peut-être un peu moins dépaysant que La Horde du Contrevent ou La Zone du Dehors. C’est en tout cas plus engagé, plus tangible. Car le monde qu’il imagine ne paraît pas si lointain, tant la technologie a envahi nos quotidiens, tant les multinationales influencent déjà nos gouvernants. Il ne manque pas grand-chose pour qu’on bascule dans ce monde hyper-connecté, hyper-contrôlé, hyper-sécurisé, hyper-réel.
J’adore la façon dont il se joue des ponctuations, de l’accentuation, de l’orthogrammaire, pour faire de son roman, de ses phrases, une musique, un chant, des sons, des vibrations. Par l’intensité des émotions qu’il suscite, il donne le frisson. Non pas le frisson de la peur, mais celui du plaisir, de l’excitation, du changement, de la révolution ?
Les personnages de la meute, et ceux qui leur sont proches, sont tous énormes, touchants, avec leur personnalité propre, leurs qualités et leurs défauts. C’est si facile de s’identifier à eux (s’engager à côté d’eux).
Tout tourne autour de Tishka, la petite fille de 4 ans qui a disparu, enlevée ? morte ? Pour le père que je suis, c’est une histoire forcément poignante, émouvante à en tirer des larmes. Mais tellement optimiste, débordante de vie.
On peut se demander ce que sont ces furtifs, quelle métaphore se cache derrière. Une inspiration libératrice ? La croyance ? Le deep web ? L’élan vital ? Ça interroge, en fait, et c’est le principal. Chacun y trouvera sa voie (sa voix).
Et pour conclure, une gentille provocation : dis, Alain, quitte à promouvoir les licences open source, pourquoi ne pas publier ce super bouquin en version libre, hein ? Allez, chiche ?