Ce qui manque furieusement à notre époque, c’est un art de vivre avec les technologies. Une faculté d’accueil et de filtre, d’empuissantement choisi et de déconnexion assumée. Des pratiques qui nous ouvrent le monde chaque fois que l’addiction rôde, un rythme d’utilisation qui ne soit pas algorithmé, une écologie de l’attention qui nous décadre et une relation aux IA qui ne soit ni brute ni soumise.
À San Francisco, au coeur de la Silicon Valley, Alain Damasio met à l’épreuve sa pensée technocritique, dans l’idée de changer d’axe et de regard. Il arpente « le centre du monde » et se laisse traverser par un réel qui le bouleverse.
Composé de sept chroniques littéraires et d’une nouvelle de science-fiction inédite, Vallée du silicium déploie un essai technopoétique troué par des visions qui entrelacent fascination, nostalgie et espoir. Du siège d’Apple aux quartiers dévastés par la drogue, de rencontres en portraits, l’auteur interroge tour à tour la prolifération des IA, l’art de coder et les métavers, les voitures autonomes ou l’avenir de nos corps, pour en dégager une lecture politique de l’époque et nous faire pressentir ces vies étranges qui nous attendent.
Recueil de nouvelles, 250 - 400 pages
Silicon Valley. Certains en rêvent, d’autres en cauchemardent.
Alain Damasio nous gratifie de sa vision d’un futur proche, quasi présent, que nous concoctent les GAFAM et autres start-ups. Les objets connectés, les mondes virtuels, la réalité augmentée, les voitures autonomes, l’IA, le transhumanisme…
Et son propos est croustillant, parfois acerbe, parfois alarmé. D’un côté, il ne nie pas les bienfaits que peut apporter la technologie, quand elle est utilisée à bon escient. Et de l’autre, il dénonce ses dérives qui nous coupent petit à petit de notre part d’humanité, de notre capacité à nous émerveiller des choses simples de la vie. Il s’insurge contre les profits financiers et indécents qui sont les principaux moteurs du progrès technologique, ces profits qui font fi du climat et de la souffrance des enfants qui travaillent pour nous dans des conditions atroces. Il questionne aussi cette facilité de l’humain à accepter sa soumission aux technologies sans se soucier de leurs conséquences aliénantes.
Il en parle comme il en parlerait dans un de ses romans de science-fiction, avec passion, avec une sensibilité d’artiste, avec un regard humaniste et un brin nostalgique. Porté par sa verve, on a d’ailleurs parfois l’impression de baigner dans une fiction.
Le livre se conclut sur une nouvelle détonante qui met en jeu tout ce qui a été évoqué en amont. J’ai beaucoup aimé cette idée du climat qui se rebelle de façon ciblée, intelligente, contre les machines. Ses protagonistes se retrouvent acculés dans un monde où la frontière entre la vie et la mort n’a jamais été aussi floue, où la distinction entre être biologique et robot n’a jamais été aussi incertaine.