Sylas mène une vie heureuse sur son île. Il fait le métier qu’il aime, dans la maison qu’il aime, entouré des rares personnes qu’il aime. Mieux que ça : il sait que le monde est beau, paisible, fluide grâce à Simri, l’artefact sapiens présidant au confort de l’humanité depuis 50 ans. Une super-IA, en gros, dont le déploiement global a porté l’humanité vers un avenir serein. Sylas partage sa vie entre son travail d’analyste système au service de Simri et sa passion pour la conception de bateaux. Oui, le monde est beau et va bien, vraiment, pour tous. Mais Calie, la sœur de Sylas, veut quitter ce monde. Demander à quitter le giron protecteur de Simri, qui veille au bien-être de tous, c’est rare, mais possible. Simri accorde aux personnes qui le désirent le droit de se soustraire à son attention. Mais Sylas ne s’attendait pas à ce que cela arrive à sa sœur, et cela lui est douloureux. S’il espère la faire changer d’avis, il sait que leurs trajectoires respectives ne peuvent aboutir qu’à une collision. Une collision par temps calme dans un ciel sans nuages.
Collisions par temps calme raconte les déchirements entre un frère et une sœur n’ayant pas le même point de vue sur le monde. L’un s’en satisfait, l’autre n’y trouve pas sa place. Tour de force métaphysique et littéraire, alternant les deux points de vue de façon originale, le dernier livre de Stéphane Beauverger est la chronique d’une utopie qui a réussi, acceptant ceux qui n’en veulent pas. Écho de ce que pourrait être notre monde s’il avait pris une voie différente.
Une très belle écriture, fluide, poétique, au service d’une histoire touchante et valorisée par une intrigue à la fois paisible, originale avec ses symétries en tout genre, et inquiétante. Les personnages, le frère, son mari, sa fille, sa sœur, sont très attachants, très humains. Le contraste est saisissant entre la vie simple et passionnée de cette famille et la complexité des algorithmes de L’IA qui gouverne le monde pour le bien de tous. Une belle allégorie de l’asservissement volontaire à la machine.
Sous son air de roman tranquille, l’auteur soulève pourtant des questions profondes, sur la vie, sur la mort, sur la liberté.
En somme, une très belle découverte.