L’Ève future (1886) est au roman ce que les Poésies de Mallarmé sont à la poésie : le chef-d’œuvre de l’époque symboliste, l’anti-Zola, l’anti-Goncourt.
Villiers est le plus grand conteur fantastique français. La donnée est fantastique, ou de science-fiction, puisqu’il s’agit de créer une femme artificielle, qui évite les inconvénients des femmes réelles. Ce livre traite de l’amour impossible, pour une femme qui n’existe pas. C’est aussi un roman de la révolte, qui se termine sur le frisson du créateur de l’automate, Edison, face au silence glacé, à « l’inconcevable mystère » des cieux ; un roman proche du mythe de Faust, autant que de Jules Verne, par l’anticipation scientifique ; un ouvrage philosophique parce qu’il médite sur l’être et le paraître. Le style est brillant, somptueux, insolite et ironique, comme Mallarmé l’a relevé : il mène « l’ironie jusqu’à une page cime, où l’esprit chancelle. »
Publiée en 1886, cette œuvre, au même titre que celles de Jules Verne, fait parti des grands classiques fondateurs de la science-fiction. Mais il n’est pas d’une approche facile.
Le début du livre, d’ailleurs, ne m’a pas accroché. J’ai dû ramer pour ne pas lâcher prise. La longue analyse des sentiments du jeune Lord au bord du suicide est assommante. Ensuite, la description détaillée de l’automate, malgré sa possible valeur historico-scientifique, est d’une lourdeur affligeante. Et pourtant, je vais garder de ce roman une bonne expérience de lecture. Parce que la dernière partie, quoique tragique, m’a fasciné. Je ne suis pas fan du genre fantastique, mais ici, dans la conclusion, il donne son sens au récit dans son ensemble.
Bref, malgré ses longueurs à mon goût inutiles, ce livre et son idée maîtresse, l’andréide, tiennent du génie à une époque où l’électricité était balbutiante et la vapeur le summum des technologies.